Non Ebola ne tuera pas l’Afrique!
Oui, Ebola est une affection épouvantable. Les photos d’hommes en combinaison à la « une » de la presse du monde entier, le blocage des frontières, des images de mort… Mais dans le même temps, le Nigeria a été déclaré « Ebola free » par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) il y a quelques jours. Ce n’est pas un miracle ; c’est le résultat de la capacité des autorités de ce pays à suivre les sujets présentant des symptômes, à expliquer et communiquer sur les comportements à mettre en œuvre, et à déployer les mesures nécessaires. Et aussi à innover. Le Nigeria a développé une application Android sur téléphone mobile, de sorte que les équipes sur le terrain ont eu accès aux résultats des analyses en un temps record. Cette victoire est celle d’un pays en marche, qui résoudra ses problèmes et rejoindra la cour des grands.
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L’Afrique, comme le Nigeria, va gagner la bataille contre Ebola. L’Afrique est un morceau de notre avenir à nous, Français. En dehors de quelques succès notables, nous n’avons pas particulièrement brillé en Chine, contrairement aux Allemands. L’Inde ne s’annonce pas non plus comme une partie de plaisir. Mais l’Afrique, c’est la troisième grande frontière. Elle nous tend la main. Saisissons-la. Pour quiconque se rend en Afrique, l’impression est la même partout : le train est en marche. Si le modèle de croissance africain est déconcertant, éloigné de la logique chinoise, sa dynamique n’en est pas moins réelle. Pas de grands plans quinquennaux d’infrastructures englobant autoroutes, aéroports, etc. Les choses avancent de manière apparemment moins ordonnée, plus chaotique. La croissance résulte d’une alchimie moins dirigiste, mais elle est là.
Construire ensemble En revanche, l’Afrique est complexe. L’échiquier est souvent indéchiffrable. Trop de pays, de langues, d’ethnies, de religions. Des réseaux de distribution en apparence impénétrables. Mais n’est-ce pas là un avantage ? L’Afrique ne sera jamais l’atelier du monde. Elle est trop fière, trop plurielle. Les infrastructures mettront du temps à être déployées. Il est illusoire de vouloir y transférer nos modèles habituels. En Afrique, le carnet de chèques ne suffit pas. Il faut construire ensemble. Parangon de cette complexité, le Nigeria. Les Nigeria Awards, décernés en novembre 2013 à Lagos et Paris, ont couronné Moët Hennessy et Lafarge pour leurs parcours. Moët Hennessy a su imposer ses marques en moins de dix ans. Lafarge y a conquis 30 % du marché du ciment. Son principal concurrent, qui détient plus de 60 % du marché, n’est autre que le Nigérian Aliko Dangote, première fortune d’Afrique, 29 mondiale. Ce qui n’empêche pas Lafarge d’être aujourd’hui coté à la Bourse de Lagos. Pour Lafarge, comme pour Heineken et d’autres, le Nigeria figure parmi les quatre plus gros pays par le résultat d’exploitation. Il est stratégique. Nos entreprises sont taillées pour s’y développer. On y vendra peu de TGV et pas encore beaucoup d’Airbus. Mais les opportunités sont nombreuses. Dans l’agriculture, quand l’on sait que 40 % des terres arables non cultivées dans le monde sont en Afrique ; dans l’urbanisation, qui avance à grande vitesse, avec les besoins induits en termes de services ; dans les télécoms, l’énergie, etc. EDF, Veolia, Sodexo, Saint-Gobain, pour ne citer que ceux-là, doivent rejoindre Lafarge, Orange et Sanofi. L’Afrique est un champ d’opportunités unique. Avec ou sans Ebola, le Nigeria comptera 450 millions d’habitants en 2050. Il sera le 3 pays au monde par sa population, devant les Etats-Unis ! Deux autres pays d’Afrique auront rejoint les dix pays les plus peuplés : l’Ethiopie et la République démocratique du Congo. Tandis le Japon et la Russie seront sortis du Top Ten. Le poids du monde va massivement se déplacer vers l’Afrique. Il y a beaucoup à faire. Dès 2015, Ebola sera sous contrôle. Mettons l’Afrique en tête de l’agenda des comités exécutifs de toutes nos entreprises. L’Afrique est le dernier grand train à l’échelle de la planète.
Serge Blanchard